Sommaire
- Version Originale
- Présentation
- Extraits
- Traduction de "Pourquoi les groupes humains sont-ils si différents ?"
- Historique des modifications
- Notes du Traducteur
Version Originale
Why Are Human Groups So Different? Grégoire Canlorbe. American Renaissance. March 20, 2020.
Présentation
Cette page publie la traduction validée par Peter Frost, PhD, de la deuxième partie de son interview par Grégoire Canlorbe. La traduction de la première partie est en ligne : Coévolution Gène-Culture
Peter Frost, PhD, est un anthropologue québecois (Université de Laval) connu notamment pour ses travaux sur l'origine des variations des couleurs des cheveux et des yeux des Européens et sa collaboration avec Henry Harpending sur la co-évolution gène-culture.
En contact avec lui depuis plus de 20 ans, je l'ai souvent cité, entre autre pour ses travaux sur les conséquences génétiques du monopole de l'Etat sur la violence dans les Billets Eco 14, 19, et 25 publiés dans Monaco Business News.
Grégoire Canlorbe a publié de nombreuses interviews de chercheurs et de personnalités, archivées sur son site : gregoirecanlorbe.com. J'en avais déjà traduit une particulièrement intéressante pour Douance fin août 2019 : Conversation de Grégoire Canlorbe avec Michael A. Woodley of Menie, Yr. (Traduction).
La traduction ci-après a été réalisée automatiquement avec DeepL, relue et corrigée, puis fortement améliorée par Peter Frost.
Extraits
"À la naissance de Maïmonide, en 1135, l'intelligence moyenne semble la plus élevée dans une zone intermédiaire s'étendant de la Méditerranée au Moyen-Orient et de là dans l’Asie du Sud et l’Asie de l'Est. Cette zone atteint alors les limites de son mode de production. Une véritable économie de marché se créera ailleurs, dans l'Europe du Nord-Ouest — là où les liens de parenté sont plus faibles et l'individualisme plus fort. Cette évolution économique favorisera non seulement la capacité cognitive mais aussi l'orientation vers l’avenir, la réticence à régler les conflits personnels par la violence et la capacité à traiter les informations numériques et textuelles — en bref, un état d'esprit bourgeois."
(...)
"En discutant des Européens du Nord-Ouest en général, Georg W. Oesterdiekhoff a fait valoir que l'intelligence moyenne aurait augmenté depuis le Moyen Âge tardif jusqu’au XIXe siècle. Auparavant, la plupart des gens étaient coincés au stade de la pensée préopératoire. Ils pouvaient apprendre le langage et les normes de comportement, mais leur capacité à raisonner était entravée par l'égocentrisme cognitif, l'anthropomorphisme, le finalisme et l'animisme. À partir du XVIe siècle, de plus en plus de gens comprennent les probabilités, les causes et les effets, ainsi que le point de vue de l’autre, que ce dernier soit réel ou hypothétique. Il y a eu donc une croissance de la « fraction intelligente » : la proportion des individus qui dépassent un certain niveau d’intelligence. Ces personnes deviennent suffisamment nombreuses pour ne plus être des solitaires, formant ainsi une communauté capable d’échanger des idées dans des clubs, des salons, des cafés et des cercles de discussion. C'est ainsi que commence le Siècle des Lumières."
Traduction
Grégoire Canlorbe, American Renaissance, 20 mars 2020
C'est la deuxième partie d'une interview en deux parties. Voir ici pour la première partie.
Grégoire Canlorbe : Un cartographe rudimentaire de l'intelligence, le philosophe médiéval Maïmonide, a qualifié « les Turcs extrêmes qui errent dans le Nord, les gens de couleur noire qui vivent dans le Sud, et ceux de notre pays [vraisemblablement l'Égypte] qui leur ressemblent » non seulement de gens qui « n'ont pas de religion, ni fondée sur la spéculation ni reçue par la tradition », mais aussi d'« êtres irrationnels ». Comment résumer les progrès réalisés depuis la parution de son oeuvre Guide des égarés et de ses tentatives de cartographier les différences raciales en matière d'intelligence ?
Peter Frost : C'est comme cartographier un objet en mouvement. Nous évoluons en permanence. À ce sujet, il existe des indices d'une évolution de l'intelligence moyenne non seulement au cours de la préhistoire mais aussi pendant l'époque de l'histoire écrite, notamment le dernier millénaire en Europe.
À la naissance de Maïmonide, en 1135, l'intelligence moyenne semble la plus élevée dans une zone intermédiaire s'étendant de la Méditerranée au Moyen-Orient, et de là dans l'Asie du Sud et l'Asie de l'Est. Cette zone atteint alors les limites de son mode de production. Une véritable économie de marché se créera ailleurs, dans l'Europe du Nord-Ouest — là où les liens de parenté sont plus faibles et l'individualisme plus fort. Cette évolution économique favorisera non seulement la capacité cognitive mais aussi l'orientation vers l’avenir, la réticence à régler les conflits personnels par la violence et la capacité à traiter les informations numériques et textuelles — en bref, un état d'esprit bourgeois.
Gregory Clark a utilisé des données démographiques pour mesurer l’essor de cette nouvelle classe moyenne en Angleterre. Il a constaté que celle-ci ne cesse de croître à partir du XIIe siècle, en remplaçant peu à peu les classes inférieures par la mobilité descendante de son excédent démographique. Enfin, dans les années 1800, ses lignées représentent la majeure partie de la population anglaise. Pendant ce temps, l'Angleterre devient de plus en plus culturellement bourgeoise.
En discutant des Européens du Nord-Ouest en général, Georg W. Oesterdiekhoff a fait valoir que l'intelligence moyenne aurait augmenté depuis le Moyen Âge tardif jusqu’au XIXe siècle. Auparavant, la plupart des gens étaient coincés au stade de la pensée préopératoire. Ils pouvaient apprendre le langage et les normes de comportement, mais leur capacité à raisonner était entravée par l'égocentrisme cognitif, l'anthropomorphisme, le finalisme et l'animisme. À partir du XVIe siècle, de plus en plus de gens comprennent les probabilités, les causes et les effets, ainsi que le point de vue de l’autre, que ce dernier soit réel ou hypothétique. Il y a eu donc une croissance de la « fraction intelligente »1 : la proportion des individus qui dépassent un certain niveau d’intelligence. Ces personnes deviennent suffisamment nombreuses pour ne plus être des solitaires, formant ainsi une communauté capable d’échanger des idées dans des clubs, des salons, des cafés et des cercles de discussion. C'est ainsi que commence le Siècle des Lumières.
Au cours de la même période, la capacité crânienne moyenne semble augmenter. Cette augmentation, établie à partir de 1800 chez les Allemands et de 1820 chez les Américains blancs (il n’existe pas assez de spécimens des années antérieures), est difficilement expliquée par une amélioration de la nutrition ou une baisse des maladies infantiles. Ces deux tendances sont reflétées dans le taux de mortalité infantile, qui, lui, ne commence à diminuer que vers 1900.
Ce qui monte peut redescendre. Vers la fin du XIXe siècle, l’artisanat commence à céder la place au capitalisme industriel. L’homme d'affaires ne traduit plus son succès financier en un mariage précoce et une famille nombreuse capable de l’aider au travail. S'il a besoin d’ouvriers, il les embauche tout simplement. En fait, une famille nombreuse lui devient un coût net à une époque où les attributs d’un foyer bourgeois se multiplient. Pour toutes ces raisons, la fécondité de la classe moyenne entame une longue baisse, interrompue seulement par le baby-boom du milieu du XXe siècle.
Il en résulte une baisse de l'intelligence moyenne. Les preuves sont incomplètes mais cohérentes :
Le temps de réaction moyen a augmenté de 13 points au Royaume-Uni depuis l'époque victorienne. Une étude suédoise a constaté la même évolution, en particulier dans les cohortes nées depuis les années 1970. Les gens mettent plus de temps à traiter les mêmes informations.
En Islande, depuis la cohorte née en 1910, on constate une diminution constante de la fréquence moyenne des allèles associés à la réussite scolaire.
L'effet Flynn prend fin dans tout l'Occident. En fait, il s'inverse en Scandinavie, en Angleterre et en Autriche.
Remarque : l'effet Flynn n'a jamais été une véritable augmentation de l'intelligence. Pensez-vous que les gens sont plus intelligents aujourd'hui qu'il y a un siècle ? Lisez la littérature populaire de l'époque. Examinez le vocabulaire et la complexité des intrigues. Examinez également ce que les gens étaient censés savoir à la fin de l'école primaire. Oui, les scores de QI ont augmenté au cours du XXe siècle, mais c'est en grande partie parce que les gens se sont familiarisés avec les tests en général, en s’habituant de mieux en mieux à donner une réponse standardisée à une question standardisée. L'intelligence réelle était en baisse pendant tout ce temps, baisse qui se manifeste aujourd’hui avec la fin de l’effet Flynn dans les tests de QI.
La baisse de l'intelligence n'est plus due à l'effondrement de la fécondité chez la classe moyenne. D'abord, le recours à la contraception et à l'avortement atteint les familles de toutes les classes sociales. De plus, la détérioration cognitive semble s’effectuer au sein même de chaque famille ; voilà la conclusion d’une étude récente sur l'inversion de l'effet Flynn en Norvège. Plus précisément, la baisse actuelle n'est pas due à une plus grande fécondité chez les pauvres ou les immigrés ; c’est plutôt parce qu’au sein de la famille l’enfant cadet est, en moyenne, plus bête que son ainé.
Carte mondiale de l'indice synthétique de fécondité
Cette explication n'exclut pas une cause génétique. En Norvège, les enfants sont de plus en plus souvent des demi-frères et des demi-sœurs. Dans l’étude susmentionnée, l’inversion de l’effet Flynn est démontrée par une comparaison des frères dans le registre des conscrits (seuls les hommes doivent servir dans l’armée). Or, pour produire deux frères, une femme doit faire trois enfants en moyenne. Chez les Norvégiennes ayant trois enfants, 36,2 % les ont fait par deux hommes, sinon plus. En Norvège, la paternité multipartenaire est la plus fréquente chez les hommes ayant le plus faible niveau d'éducation; en outre, ceux-ci connaissent au cours des dernières décennies une augmentation de la fécondité multipartenaire par rapport aux autres hommes. Donc, ils ont plus tendance à engendrer le cadet d’une famille que son ainé. Enfin, puisqu’on essaie d’expliquer la baisse du QI moyen avec le temps, en examinant la différence moyenne entre frère ainé et frère cadet, on doit tenir compte du fait que les demi-frères contribuent davantage à cette évolution dans le temps, car en général ils sont séparés l’un de l’autre par un plus grand intervalle de naissances. C’est parce que leur mère perd un certain temps dans sa recherche d'un nouveau partenaire.
La baisse actuelle du QI en Norvège est probablement due à la décomposition de la famille, c’est-à-dire à des pères qui ne sont guère plus que des donneurs de sperme. « Leurs » enfants acquièrent le nom de famille de la mère, puis, si elle se remarie, son nouveau mari peut les adopter. Les statistiques officielles sont donc trompeuses. En réalité, de plus en plus d'individus ne sont pas engendrés par leur père légal. Il s’agit d’une tendance lourde dans tout l'Occident : la famille, en cessant d'être un « pacte de procréation » légalement consacré, devient plutôt un groupe de deux ou plusieurs individus qui partagent un espace pendant un certain temps.
L'interview se poursuit ci-dessous...
Références
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Grégoire Canlorbe : Le premier (à ma connaissance) à avoir remarqué un lien entre le christianisme occidental et l'individualisme domestique des Européens du Nord-Ouest a été l'anthropologue Jack Goody. Dans son livre de 1983 The Development of the Family and Marriage in Europe, il écrit que l'Église a garanti ses intérêts fonciers en promouvant la famille nucléaire et égalitaire. Vous avez proposé une relation de cause à effet inverse, à savoir que l'Église catholique assimilait (plutôt que façonnait) les normes domestiques des Européens. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre lecture ?
Peter Frost : Au nord et à l'ouest d'une ligne2 allant de Trieste à Saint-Pétersbourg, il existe depuis au moins un millénaire un environnement social particulier. D’abord, presque tout le monde est célibataire pendant au moins une partie de l'âge adulte, et beaucoup le restent toute leur vie. Quant aux ménages, ils ont souvent des membres qui ne sont pas de la famille. Enfin, la famille est normalement nucléaire : en se mariant, l’enfant la quitte pour fonder un nouveau foyer. Cet environnement, dont les liens de parenté sont relativement faibles, est associé à un modèle de comportement inhabituel : les Européens du Nord-Ouest sont plus individualistes, moins loyaux envers leurs proches apparentés et plus aptes à faire confiance aux étrangers.
Dans une étude récente, Jonathan Schulz et d'autres ont attribué ce modèle de comportement au christianisme occidental, en particulier à son interdiction des mariages consanguins, ce qui aurait affaibli les liens de parenté et, inversement, renforcé les relations impersonnelles. Donc, si la relation est de cause à effet, l'interdiction doit précéder l’existence de ce modèle de comportement. À vrai dire, personne ne sait ce qui est venu en premier. Plus nous remontons dans le temps, moins nous avons de données sur lesquelles travailler ; cependant, le même modèle apparaît toujours dans le peu de données disponibles. Au XIIIe siècle, dans le comté anglais de Lincolnshire, les ménages sont déjà nucléaires et l'âge du premier mariage est tardif : 24 ans pour la femme et 32 ans pour l'homme. Au IXe siècle, en France, les ménages sont petits et nucléaires chez les personnes mariées ; 12 à 16 % des adultes sont célibataires et les deux sexes se marient entre le milieu et la fin de la vingtaine. Les données antérieures sont trop fragmentaires pour permettre de tirer des conclusions solides. En outre, ces données portent généralement sur les hommes de l'élite, lesquels épousent généralement de jeunes femmes. Néanmoins, nous voyons toujours des indications de premiers mariages à des âges tardifs, comme les observations de Jules César et de Tacite selon lesquelles les gens des tribus germaniques se marient tard.
La causalité peut donc aller dans l'autre sens. Le modèle de comportement de l'Europe du Nord-Ouest n'existe pas parce que le christianisme occidental aurait divergé du christianisme oriental sur la question du mariage consanguin. Cette divergence se serait plutôt produite parce que le christianisme occidental assimilait les normes de comportement de ses convertis.
Examinons de plus près l'interdiction des mariages consanguins, en particulier sa chronologie. Le droit civil romain ne les interdit que pour les cousins germains. Le premier code juridique à aller plus loin est le code wisigoth du milieu du VIIe siècle, qui va deux degrés plus loin. Puis, au début du IXe siècle, l'Église a modifié sa façon de calculer les degrés de parenté en adoptant le système germanique. Sous le système romain, les cousins germains sont considérés comme des cousins au quatrième degré. Le système germanique les fait passer au deuxième degré, doublant ainsi le nombre de partenaires de mariage interdits. Ainsi, bien qu’appliquée par l'Église, il semble que cette interdiction soit née chez les peuples germaniques convertis.
Il peut en être de même pour d'autres croyances et pratiques. Pourquoi, par exemple, la doctrine du péché originel et de la culpabilité héréditaire est-elle plus développée dans le christianisme occidental ? L'une des raisons est peut-être que les peuples convertis maîtrisaient beaucoup plus leur comportement par des moyens internes — en se sentant coupables de leurs méfaits, au lieu de se faire couvrir de honte par les autres membres de la communauté. Dans les cultures de culpabilité de l'Europe du Nord-Ouest, l'individu moyen se sent coupable même de transgressions dont personne d'autre n'a été témoin. Ce fardeau du péché devient insupportable si on ne le purge pas régulièrement d'une manière ou d'une autre ; donc, pour satisfaire à ce besoin, le christianisme occidental en aurait souligné l’inévitabilité.
L'interview se poursuit ci-dessous...
Références
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Seccombe, W. (1992). A Millennium of Family Change. Feudalism to Capitalism in Northwestern Europe. London: Verso.
Grégoire Canlorbe : Lorsqu'il s'agit de contester l'hypothèse selon laquelle les hivers froids sont des sélecteurs naturels agissant spécifiquement en faveur d'une haute intelligence, il n'est pas rare de soutenir que toutes sortes d'environnements naturels sont susceptibles de présenter des défis nécessitant une haute intelligence — et que la chasse dans les forêts d'Afrique est tout aussi difficile que celle dans les prairies d'Eurasie. Il est ajouté que les peuples de l'Arctique, tels que les Inuits, bien que confrontés aux conditions hivernales les plus rudes, ne se révèlent pas particulièrement intelligents ; et que, d'une manière générale, la sévérité d'un environnement donné ne garantit pas l'intelligence par la sélection naturelle. Les !Kung vivent dans l'un des environnements les plus arides de la planète, mais leur intelligence est faible.
Des !Kung, un peuple indigène du Kalahari (Crédit photo : Staehler / Wikimedia)
Devant ces faits, une explication plus crédible de la haute intelligence des Européens et des Asiatiques de l'Est résiderait dans le croisement avec leurs cousins néandertaliens, alors que l'Homo sapiens se répandait en Afrique et dans le nord de l'Eurasie. Que répondez-vous à cette ligne de pensée ?
Peter Frost : Un environnement difficile ne récompense pas nécessairement l'intelligence. Dans de nombreux cas, les défis sont répartis trop aléatoirement dans le temps pour être anticipés. Dans d'autres cas, la récompense ne justifie pas l'effort mental accru. Les environnements difficiles comme le Kalahari sont si pauvres en ressources que l'augmentation de l'effort mental n'est pas récompensée par des gains correspondants en termes de nourriture, de combustible et d’abri.
En revanche, l'Arctique est riche en ressources. Il y a beaucoup de nourriture, beaucoup de combustibles, et beaucoup de matériaux utiles pour s'abriter, mais ces ressources ne sont pas accessibles sans sans un effort mental important.
Prenez la nourriture. Il y a une division du travail chez la plupart des chasseurs-cueilleurs : la chasse est réservée aux hommes et la cueillette aux femmes. Pour chasser, l’homme doit collecter, mémoriser et manipuler des données sur l'espace et le temps, non seulement ses propres coordonnées mais aussi celles du gibier. La quantité de données augmente de façon exponentielle en fonction de la distance de chasse, qui à son tour augmente en fonction de la latitude — les animaux de chasse parcourent de plus grandes distances dans les environnements nordiques. Ainsi, aux hautes latitudes, le cerveau de l’homme doit stocker d'énormes quantités de données spatiotemporelles.
Dans l’Arctique, la femme a peu d'occasions de cueillir des aliments ; donc elle se spécialise dans d'autres tâches : transformation de la viande, confection de vêtements, construction d'abris, travail du cuir, entretien du feu, poterie et ornementation. Si nous considérons les premiers humains modernes à coloniser le nord de l'Eurasie, pendant la dernière glaciation, nous voyons que cette spécialisation a conduit à la création de nouveaux outils, d'une large gamme de textiles et de nouvelles technologies de la céramique, y compris l'utilisation de fours à poterie. C'est ce qu'a également noté Nicole Waguespack dans son étude interculturelle sur les chasseurs-cueilleurs des temps récents. Elle a constaté que les femmes développent de nouvelles compétences et technologies dans les cultures où elles font moins de cueillette et sont plus dépendantes des hommes. Elle a conclu que c'est cette réorientation du travail des femmes dans l'Arctique, et non pas l'agriculture ou la croissance démographique à des latitudes plus basses, qui aurait poussé les humains à aller au-delà des tâches primaires de recherche de nourriture, les libérant ainsi du carcan mental de la chasse et de la cueillette. Ils étaient désormais mieux positionnés pour imaginer de nouvelles tâches indépendamment de celle de s’approvisionner en nourriture, ce qui finirait par devenir « l'industrie ».
Les San (également appelés Bushmen) sont un groupe ethnique du sud-ouest de l'Afrique. Ils vivent dans le désert du Kalahari, aux frontières du Botswana, de la Namibie, de l'Angola et de l'Afrique du Sud. Les San ont un mode de vie basé sur la chasse aux animaux sauvages et la cueillette de la nourriture du bush. Le fait qu'ils soient des chasseurs-cueilleurs explique leur mode de vie nomade. Leur mode de vie est particulièrement adapté aux conditions difficiles du désert du Kalahari. Ils savent où se trouvent les points d'eau et transportent l'eau dans des coquilles d'œufs d'autruche. Ils boivent l'eau des racines et des tubercules qu'ils trouvent en creusant le sol. (Crédit image : © Eric Lafforgue / Whitehotpix)
En plus, pour les hommes comme pour les femmes, l'Arctique privilégie la planification, car les ressources terrestres et marines sont généralement saisonnières et doivent être obtenues et transformées pendant une courte période afin de fournir un surplus pour la saison maigre. La contrainte de temps est résolue par la planification, par la conception d'outils spécifiques pour des tâches spécifiques, par l'utilisation de dispositifs non entretenus, tels que la fosse, le piège, la pêcherie fixe et le filet, et par le creusement de fosses de stockage jusqu'au pergélisol pour réfrigérer les denrées périssables. Là encore, d'énormes quantités de données spatiotemporelles doivent être recueillies, mémorisées et manipulées.
Enfin, le froid lui-même exige un effort cognitif. Les vêtements doivent être adaptés pour retenir la chaleur du corps, ce qui nécessite la mise au point de poinçons, d'aiguilles à œillet et de grattoirs à peaux. De même, les abris doivent être rendus résistants au froid et construits avec des foyers.
Ces exigences sont reflétées dans la capacité crânienne. Une équipe dirigée par Kenneth Beals a constaté une forte corrélation entre la capacité crânienne et la latitude : 0,76 pour l'Ancien Monde et 0,44 pour le Nouveau Monde. Ils ont conclu que les hautes latitudes favorisent l'apparition des têtes sphériques afin de retenir la chaleur corporelle. Pourtant, leurs propres données montrent des corrélations beaucoup plus faibles entre la latitude et le rapport entre la surface du corps et sa masse — le principal facteur de dissipation de la chaleur. Si la tête est si grande aux hautes latitudes pour retenir la chaleur, il reste à expliquer pourquoi cette raison ne tient pas pour l’ensemble du corps.
Il se peut également que ces exigences cognitives de la chasse, en particulier chez les humains des hautes latitudes, expliquent la diminution de la capacité crânienne après l’abandon de la chasse et la cueillette et l’émergence de l'agriculture. Entre le Mésolithique et l'époque moderne, le crâne a diminué de 10 % chez l’homme et de 17 % chez la femme. Cette baisse ne peut être démontrée avec certitude que chez les Européens et les Asiatiques de l'Est. Nous ne la retrouvons pas dans la seule population non eurasiatique (les Nubiens) dont il existe une collection de crânes suffisamment importante. L'intelligence aurait-elle également diminué ? Je dirais plutôt qu’elle s’est réorientée. En particulier, l’homme n'avait plus à stocker autant de données pour faire la chasse. Mais pourquoi, alors, la plus grande diminution du crâne chez la femme ? Il se peut que l’agriculture ait réduit le rôle féminin dans la production artisanale. Je ne peux que spéculer.
Vous m’avez dit que les Inuit ne sont pas particulièrement intelligents. En fait, ils réussissent bien aux tests de QI. Les enfants inuit de l'Arctique québécois obtiennent d'aussi bons résultats que les enfants blancs du sud du Québec, en dépassant même les normes américaines. Quant aux Inuit adultes, s’ils sont allés à l'école et sont familiers avec ces tests, ils font aussi bien que les blancs et même les surpassent dans les tâches spatiales. En effet, les Inuit adultes auraient une « capacité extraordinaire à trouver leur chemin à travers ce qui semble être un terrain sans caractéristiques en se souvenant des configurations visuelles [...]. Selon certains témoignages, ces souvenirs persistent pendant de longues périodes. Des chasseurs âgés ont réussi à guider des groupes à travers de terrains qu'ils n'avaient vus que dans leur jeunesse ».
Famille Inuit en 1928. (Credit Image: Edward S. Curtis via Wikimedia)
Cette extraordinaire mémoire des détails, telle qu'elle s'exprime dans l'art des Inuit contemporains, a attiré l'attention de l'éminent généticien L.L. Cavalli-Sforza. À la fin des années 1980, il a organisé un projet avec notre université et celle de Queen’s sur les bases génétiques et culturelles de l'intelligence spatiale chez les Inuit. Il espérait ainsi démontrer comment la coévolution gène-culture aurait créé des différences cognitives entre les groupes humains. Il a ensuite abandonné le projet, pour des « raisons de santé ».
Je ne veux pas idéaliser les Inuit. Ils ont de graves problèmes d'alcoolisme et un taux élevé de suicide chez les jeunes. En bref, ils sont mal adaptés au modèle occidental de sédentarité, d'individualisme et d'interaction superficielle avec les autres, en particulier avec des proches apparentés. Les jeunes Inuit se sentent inutiles et développent des pensées suicidaires. À mon avis, ils devraient se désengager de la culture occidentale.
Nous aussi. Oui, nous pouvons mieux tolérer les effets toxiques de l'asocialité et des faibles liens de parenté, mais cette tolérance a été poussée à ses limites et au-delà. Nous sommes maintenant dans la zone rouge.
Enfin, vous m’avez demandé si le métissage avec les Néandertaliens explique l'évolution de l'intelligence humaine. Les Néandertaliens étant adaptés au froid, ils auraient pu fournir aux humains modernes des allèles favorables à l'intelligence.
C'est une belle théorie, mais les faits sont moins obligeants. Si nous examinons l'apport néandertalien dans notre génome, nous constatons qu'il est inactif de façon disproportionnée. Il y a eu une sélection pour éliminer le matériel génétique qui fait vraiment quelque chose. Est-ce étonnant ? Si les Néandertaliens se sont adaptés à un environnement naturel similaire, ils l'ont fait toutefois non seulement d’une autre manière, mais aussi dans un autre corps. Quelque chose d'utile dans un corps néandertalien n'est probablement pas aussi utile dans le nôtre.
Autre chose. Il y a de l’ascendance néandertalienne dans toutes les populations indigènes d'Europe, d'Asie, d'Asie du Sud-Est, d'Océanie et des Amériques. Parmi celles-ci, les Européens en possèdent le moins (les Océaniens en possèdent le plus). En outre, ces populations diffèrent beaucoup sur plusieurs plans : complexité sociale, développement technologique, etc. Il n'est donc pas évident que l’ascendance néandertalienne ait contribué beaucoup à l’évolution du cerveau des humains modernes.
L'interview se poursuit ci-dessous...
Références
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Grégoire Canlorbe : En dehors des Spartiates (que les autres Grecs considéraient comme mentalement et culturellement arriérés), il semble que la Grèce classique se caractérisait par des niveaux élevés d'intelligence moyenne et d'intelligence exceptionnelle et par une approche pluraliste et héroïque de la vie cognitive, dans laquelle il y avait une innovation intellectuelle et une compétition entre les différents leaders intellectuels. Cela contraste avec l'approche traditionnellement conformiste de la connaissance en Chine ou au Moyen-Orient. Comment expliquez-vous l'âge d'or de la Grèce ?
Crédit image : Sonse / Wikimédia
Peter Frost : Une équipe dirigée par Michael Woodley of Menie, en analysant l’ADN ancien, a découvert que les allèles pour la réussite scolaire sont progressivement devenus plus fréquents entre 4 560 et 1 210 ans avant le présent en Europe et en Asie centrale. Il s'intéresse maintenant plus particulièrement à l'ADN de la Grèce antique. Les résultats préliminaires montrent une augmentation de ces mêmes allèles depuis le Néolithique jusqu’à la période mycénienne, suivie d'une diminution entre cette époque et l'ère moderne.
Quel était le moteur de cette augmentation ? Je l’ignore. Pour expliquer l'âge d'or de la Grèce, il faut comprendre ce qui se passait avant, notamment en termes de démographie. Je soupçonne qu'il y a eu un processus comme celui de l'Angleterre médiévale et du début des temps modernes, c'est-à-dire une augmentation constante du nombre de personnes qui vivaient du commerce. Le commerce semble sélectionner pour l'intelligence, en particulier les aptitudes de lecture, d’écriture et de calcul.
Une fois qu’on peut lire un contrat commercial, on peut lire la philosophie. Les portes sont grandes ouvertes à l’amélioration intellectuelle.
Vous m’avez demandé pourquoi l'approche de la connaissance était moins conformiste dans la Grèce antique qu'en Chine. En un mot, l'État chinois a « nationalisé » l'intelligence par le biais de l'examen impérial pour l'entrée dans la bureaucratie d'État. Cet examen a eu un impact sur le peuple chinois non seulement intellectuellement mais aussi démographiquement et peut-être génétiquement. Il est vrai que seulement 1 % de la population a atteint le degré supérieur de Jinshi ou le degré inférieur de Chushen, mais le succès aux niveaux inférieurs aurait également apporté des avantages, ne serait-ce que du prestige, et les bénéficiaires auraient été beaucoup plus nombreux. Quoi qu'il en soit, supposons que les avantages ne profitaient qu'au 1 % des personnes détenant ces deux degrés. Supposons également qu'à la fin de chaque siècle suivant, les descendants de ce 1 % initial soient devenus deux fois plus nombreux. En six siècles, ils seraient majoritaires.
J’entends déjà les critiques. « Mais certains d'entre eux se seraient mariés avec le reste de la population ! Vous supposez que la population était stationnaire ! Et vous oubliez la régression vers la moyenne ! » Bon, d'accord, mais entre-temps, il y aurait eu de nouvelles cohortes de titulaires de ces degrés. Quelle que soit la ligne de critique, mon argument de base demeure valable. Une croissance soutenue aura un impact spectaculaire à long terme, même à partir d'une petite base. Dans le cas présent, le long terme a été assez long. L'examen impérial a commencé il y a environ 1 400 ans, a atteint son apogée il y a près de mille ans et s'est terminé à l'aube du XXe siècle.
Ainsi, sur le long terme, il se peut que l'examen impérial ait influencé le profil psychologique des Chinois, tant dans leur niveau moyen d'intelligence que dans la nature de leur intelligence. Le conformisme intellectuel était favorisé. Le candidat réussirait l’examen en savant par mémoire les connaissances existantes et en les présentant de manière standardisée, en particulier le savoir des ouvrages classiques de prose et de poésie et celui de l'orthodoxie néoconfucianiste. Au fil des siècles, des réformes ont été tentées, notamment en éliminant les questions sur la poésie et en introduisant des sujets plus pratiques, mais ces mesures ont toutefois ignoré une lacune grave.
Statue de Confucius au Temple de Confucius de Pékin (Credit Image: Mx. Granger / Wikimedia)
Un examen, par sa nature même, sanctifie les modes de pensée existants. On pénalise le candidat qui donne de « mauvaises » réponses tout-à-fait logiques et défendables. En fin de compte, le doute lui-même est pénalisé, car il détourne l'attention de l’objectif primordial : celui de connaître les « bonnes » réponses.
L'interview se poursuit ci-dessous...
Références
Unz, R. (2013). How Social Darwinism made modern China. The American Conservative, March/April, pp. 16-27.
Woodley of Menie, M.A., S. Younuskunju, B. Balan, et D. Piffer. (2017). Holocene selection for variants associated with general cognitive ability: Comparing ancient and modern genomes. Twin Research and Human Genetics 20: 271-280
Woodley of Menie, M.A., J. Delhez, M. Peñaherrera-Aguirre, and E.O.W. Kirkegaard. (2019). Cognitive archeogenetics of ancient and modern Greeks. London Conference on Intelligence. (YouTube)
Grégoire Canlorbe : Vous avez les mots suivants de Blaise Pascal inscrits dans la barre latérale de votre blog : « L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête. » En quoi cette citation est-elle liée à votre travail d'anthropologue évolutionniste ?
**Peter Frost :* J'ai appris cette citation de Michel Cabanac, un psychologue évolutionniste et un chrétien convaincu. Cela peut sembler contradictoire, mais ce n'est pas le cas.
Portrait de Blaise Pascal
Les évolutionnistes des sciences sociales saisissent mieux l'importance de la religion que beaucoup d'évangélistes et certainement mieux que les politiciens conservateurs. Nous avons besoin de la religion, et nous ressentons ce besoin dans notre chair et nos os.
La religiosité est en partie innée. Des études sur les jumeaux ont démontré que la composante génétique se situe entre 25 et 45 % ; il faut souligner ici que la composante non génétique comprend absolument tous les autres facteurs possibles, dont les erreurs dans la compréhension de la question et dans la collecte des données. Nous avons donc un besoin inné d'internaliser les normes de comportement correct, en particulier nos notions de bien et de mal. Ce besoin semble varier d'une personne à l'autre, et peut-être d'une population à l'autre, mais je ne m'étendrai pas sur ce point ici.
Auparavant, c’était la religion qui répondait à ce besoin d'orientation morale. L'Église nous a appris comment nous comporter. Ses enseignements, bien qu'imparfaits, avaient au moins été testés et éprouvés sur de nombreuses générations. Aujourd'hui, avec le déclin de la foi chrétienne, notre culture est en train d’être reprogrammée avec de nouvelles normes de comportement qui n'ont jamais fait leurs preuves. Il ne s’agit pas seulement de choses merveilleuses en théorie, mais affreuses en pratique. Elles sont souvent affreuses autant en théorie qu’en pratique. On les accepte parce que leurs partisans tiennent le mégaphone.
Michel Cabanac reprouvait cette reprogrammation de la société postchrétienne. Notre besoin d'orientation morale est maintenant poussé dans de nouveaux canaux et mis au service de nouvelles fins, souvent de manière cynique.
L'interview se poursuit ci-dessous...
Références
Bouchard, T.J. Jr., (2004). Genetic influence on human psychological traits: A survey. Current Directions in Psychological Science 13: 148-151.
Lewis, G.J. et T.C. Bates. (2013). Common genetic influences underpin religiosity, community integration, and existential uncertainty. Journal of Research in Personality 47: 398-405.
Grégoire Canlorbe : Merci pour votre temps. Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Peter Frost : Je suis un anthropologue de fauteuil. J'ai fait des recherches, mais le matériel ci-dessus provient en très grande partie d'autres personnes. Certains sont encore actifs, d'autres ne sont plus de ce monde, et d'autres encore se sont tus pour des raisons qui leur sont propres. Je comprends ces raisons. Nous traversons des moments difficiles, et le pire est peut-être encore à venir. Mais tout cela va passer.
Historique des modifications
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23 mars 2020 | 1ère Mise en ligne |