Ajout 10 mars 2014 : Cette page est complétée par la section 1 de la Lettre Neuromonaco 106 : “Femmes et Management : les Queen Bees”
Vous vous en seriez douté : la méchanceté des femmes entre elles c'est la faute au sexisme des hommes, bien sûr…
En 2006 une étude de Rocio Garcia-Retamero et Esther López-Zafra [1] avait confirmé une croyance assez générale : qu'il vaut mieux pour une femme avoir pour supérieur un homme qu'une femme. En effet, un certain nombre de femmes en position de pouvoir auront une attitude plus sexiste qu'un homme et chercheront plus qu'eux à bloquer les carrières de leurs subordonnées : ce sont les “Queen Bees” [2].
Une nouvelle étude de Derks et al. [3] (abstract traduit ci-après) affirme que le phénomène Queen Bee n'est en fait que la réaction individuelle de femmes s'identifiant peu en tant que telles face aux discriminations qu'elles ont subies. Conséquence directe : pour lutter contre ce phénomène il faut soit que les femmes s'identifient beaucoup plus en tant que telles, soit qu'elles souffrent de beaucoup moins de discrimination parce que femmes.
L'article de BPS Research Digest [4] va plus loin et remarque des “implications importantes pour les organisations cherchant à réduire le sexisme” [5]:
Ne placer que quelques femmes au top management dans une culture sexiste risque de provoquer un effet contraire comme cela les prédisposera à devenir des Queen Bees, ce qui empirera la situation de leurs subordonnées.
Cette étude est une petite étude (n=94) qui se base uniquement sur des témoignages recueillis via Internet, il convient donc de rester très prudent.
Il reste cependant qu'elle pose le problème de l'auto-identification à un groupe, ici défini par le sexe (les féministes disent : “genre”), alors même qu'il n'existe aucune classification parfaitement exclusive (même la définition d'individu est floue, voir l'exemple des soeurs Krista et Tatiana Hogan qui se partagent une partie du cerveau : [6]) et une classification ne peut pas toujours être pertinente [7].
Enfin, bien sûr, cette étude ressemble furieusement à ce que j'avais déjà démonté en 2003, il y a 7 ans ! [8]
Traduction de l'abstract
Les ‘Queen Bees' (“Reines Abeilles”) sont des femmes mûres dans des organisations de culture masculine qui ont atteint leurs objectifs de carrière en se dissociant elles-mêmes de leur genre tout en contribuant simultanément au stéréotypage de genre des autres femmes. Il est souvent assumé que ce phénomèrne contribue à plus de discrimination de genre dans les organisations, et qu'il est inhérent à la personnalité des femmes à carrière réussie. Nous argumentons pour une explication par l'identité sociale et examinons les conditions d'organisations qui favorisent les phénomène des Queen Bees. Les participants à l'études ont été 94 femmes ayant des positions managériales supérieures dans diverses société des Pays Bas et qui ont rempli un questionnaire en ligne. Conformément aux prédictions, les indicateurs du phénomène Queen Bee (stéréotypage de genre accru et description personnelle masculine) ont été trouvé principalement chez les femmes qui ont indiqué avoir commencé leur carrière avec peu d'identification de genre. Les résultats sont discutés au travers de la théorie de l'identité sociale, en interprétant le phénomène Queen Bee comme une réponse de mobilité individuelle de femmes ayant peu d'identification de genre aux discriminations rencontrées dans leur travail.
Abstract
‘Queen Bees' are senior women in masculine organizational cultures who have fulfilled their career aspirations by dissociating themselves from their gender while simultaneously contributing to the gender stereotyping of other women. It is often assumed that this phenomenon contributes to gender discrimination in organizations, and is inherent to the personalities of successful career women. We argue for a social identity explanation and examine organizational conditions that foster the Queen Bee phenomenon. Participants were 94 women holding senior positions in diverse companies in The Netherlands who participated in an on-line survey. In line with predictions, indicators of the Queen Bee phenomenon (increased gender stereotyping and masculine self-descriptions) were found mostly among women who indicated they had started their career with low gender identification and who had subsequently experienced a high degree of gender discrimination on their way up. By contrast, the experience of gender discrimination was unrelated to signs of the Queen Bee phenomenon among women who indicated to be highly identified when they started their career. Results are discussed in light of social identity theory, interpreting the Queen Bee phenomenon as an individual mobility response of low gender identified women to the gender discrimination they encounter in their work.
Notes
- Garcia-Retamero, R., & López-Zafra, E. (2006). Prejudice against Women in Male-congenial Environments: Perceptions of Gender Role Congruity in Leadership. Sex Roles, 55(1-2), 51-61. doi: 10.1007/s11199-006-9068-1.
- “Office queen bees hold back women’s careers” by Roger Dobson and Will Iredale –The Sunday Times – December 31, 2006
- Derks, B., Ellemers, N., Laar, C. van, & Groot, K. de. (2010). Do sexist organizational cultures create the Queen Bee?. The British journal of social psychology / the British Psychological Society. doi: 10.1348/014466610X525280.
- BPS Research Digest: Queen Bees are the consequence not the cause of sexist work-places.
- Traduction personnelle depuis :
Simply appointing a few token female senior managers in a sexist culture is likely to backfire as this will dispose them to becoming Queen Bees, thus worsening the situation for their female subordinates.
- “A piece of their mind” by Ken MacQueen, Macleans.ca, Nov 2, 2010
- Gouillou, P. (2004) “Races, Racisme et Evopsy” Evoweb, 12 octobre 2004
- Gouillou, P. (2003) “Comment être Politically Correct ?” Evoweb, jeudi 27 novembre 2003