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Auteur : Judith Rich HARRIS
Sujet : Vulgarisation par son auteur de la Théorie de la Socialisation par le Groupe (1995)
VO : The Nurture Assumption – Judith Rich HARRIS__- The Free Press (NY USA)
Article original : "Where Is the Child’s Environment ? A Group Socialization Theory of Development" – Psychological Review, July 1995 (American Psychological Association Inc.) http://www.apa.org/journals/rev/rev1023458.html (220 Ko – 44 pages imprimées)
VF : Pourquoi nos enfants deviennent ce qu’ils sont – De la véritable influence des parents sur la personnalité de leurs enfants – Judith Rich HARRIS – Robert Laffont Coll. Réponses 1999
Mots clés : socialisation, groupe, education, enfant, developpement, jumeau, heredite, genetique, pairs
Synthèse – Idées essentielles
Contrairement à ce qu’affirme la psychologie depuis environ un siècle (depuis Freud), l’influence éducationnelle des parents n’aura que très peu d’impact sur la personnalité de l’adulte :
Les différentes études permettent d’estimer la variance entre les personnalités de deux adultes à :
- 50% en provenance de la génétique
- 10% en provenance de leur environnement partagé (parents)
- 40% en provenance de facteurs inexpliqués
La théorie de Harris est que ces 40% inexpliqués correspondent à l’influence des pairs : un enfant ne se socialise pas avec ses parents mais avec ses groupes de copains/copines pendant son enfance.
La raison en est que les enfants n’adoptent pas le même comportement à l’extérieur de la maison qu’à l’intérieur : ils ne sont pas dans le même groupe, et donc ne suivent pas les mêmes règles et positionnements.
Validité - Débats
De nombreux éléments viennent en faveur de la théorie de Harris, et font qu’elle est maintenant (malgré son aspect révolutionnaire) considérée comme valide. On peut citer :
Le fait qu’aucune étude n’a pu mettre en évidence un lien entre la personnalité de l’adulte et son rang dans la fratrie pendant son enfance.
Les études sur les fratries qui montrent que : - 2 jumeaux, qu’ils soient ou non élevés ensemble, montreront les mêmes ressemblances et dissemblances de personalité
Des enfants adoptés et élevés ensembles ne montrent pas de points communs permettant de les distinguer de 2 enfants adoptés dans des familles différentes
Le fait que les parents ne demandent pas à un enfant de les imiter, mais au contraire de tenir son rôle d’enfant, ce qui interdit l’imitation mise en avant par la psychologie traditionnelle
Le fait que le changement d’environnement de l’enfant (changement d’école par exemple) est le moyen le plus efficace de modifier la personnalité et le comportement de l’enfant.
Le fait que des enfants de sourds-muets, s’ils ne sont pas eux-mêmes sourds-muets apprennent très bien à parler
Le fait que des enfants d’immigrés prennent très rapidement la culture du pays d’accueil, sauf s’ils sont assez nombreux de la même origine pour former un groupe reproduisant la culture parentale
Le fait que de nombreux enfants ont été élevés en pension (ou par des domestiques), tout en reproduisant à l’âge adulte la culture parentale (exemple : la noblesse Anglaise)
Etc.
La critique la plus sérieuse à l’encontre de Harris vient de David Cohen [[COHEN, David. B. (1999) : Stranger in the Nest : Do Parents Really Shape Their Child’s Personality, Intelligence, or Character ? ]] qui considère que l’influence environnementale est encore plus faible que ce qu’a calculé Harris, celle-ci n’ayant (selon Cohen) mesuré que des critères environnementaux qui sont déjà influencés par la génétique.
Conséquences
Les travaux de Harris remettent en cause tout ce qu’on a pu apprendre jusque là. C’est ainsi que :
– Rechercher l’origine des troubles d’un enfant dans ses relations avec ses parents correspond à ne s’intéresser qu’à 10% des causes possibles
Accuser ses parents de tous ses maux ... n’est possible qu’à 10% !
La culpabilisation des parents que l’on retrouve dans toute la presse grand public n’a aucune valeur
Ne pas fournir à un enfant un environnement de pairs qui lui soit favorable... équivaut à le sacrifier
Au niveau légal, il est totalement absurde de vouloir pénaliser les parents de délinquants !
Etc.
La Théorie de la Socialisation par le Groupe de Harris permet aussi des analyses sociologiques extraordinairement pertinentes. Par exemple, elle explique très bien pourquoi les sociétés qui n’ont que 2 groupes d’âges (adultes et enfants) n’évoluent que peu, alors que les sociétés à 3 groupes (adolescence) sont en mutation permanente.
Pour aller plus loin, il est conseillé de lire l’article original (disponible gratuitement on line) et le livre de David Cohen.
Abstract de l’article original
Do parents have any important long-term effects on the development of their child’s personality ? This article examines the evidence and concludes that the answer is no. A new theory of development is proposed : that socialization is context-specific and that outside-the-home socialization takes place in the peer groups of childhood and adolescence. Intra- and intergroup processes, not dyadic relationships, are responsible for the transmission of culture and for environmental modification of children’s personality characteristics. The universality of children’s groups explains why development is not derailed by the wide variations in parental behavior found within and between societies.
Conclusion de l’article original
The answer to the question asked by the title of this article is that children have many environments. Their mission is to learn how to get along in all of them. They are aided by adaptive mechanisms that do not automatically mix together what is learned in different contexts ; what is learned in one is used in another only if it proves to be useful in both. Negotiating satisfactory relationships with parents and siblings is an important undertaking of early childhood, but what is learned in the course of it may be of little use outside the home. Outside the home, children may be judged more harshly or less harshly ; they must use different strategies to achieve their goals.
According to the theory presented here, children learn how to behave outside the home by becoming members of, and identifying with, a social group. In the preagricultural societies of our ancestors, group socialization would have begun in mixed-age, mixed-sex play groups. In today’s urbanized societies, socialization gets its start in the nursery school or day-care center, gathers momentum in the same-age, same-sex peer groups of school-age children, and approaches asymptote in the mixed-sex crowds of adolescents. It is within these groups, according to GS theory, that the psychological characteristics a child is born with become permanently modified by the environment. Two processes, assimilation and differentiation, are responsible for the modifications. Assimilation transmits cultural norms, smooths off rough edges of the personality, and makes children more like their peers. Differentiation exaggerates individual differences and increases variability. Which of these processes will dominate at a given moment depends on contextual variables that cause social categories to become more or less salient.
With these two central hypotheses-that children learn separately how to behave in the home and out of the home, and that out-of-the-home socialization takes place in the peer groups of childhood and adolescence-GS theory can account for a growing body of data showing that the home environment has no lasting effects on psychological characteristics. The shared environment that leaves permanent marks on children’s personalities is the environment they share with their peers.
Many psychologists have marveled at the robustness of development ; despite vast differences in the way their parents treat them, most children turn out all right. This ceases to be a mystery if we cease to believe that the way their parents treat them (assuming that they do not inflict grievous injury) has important and lasting effects. Children usually turn out all right because the environment that does have important and lasting effects is found with little variation in every society : the children’s play group.
There is an African saying, "It takes a village to raise a child." In a village, there are always enough children to form a group.